Brèves de stage

Je suis désabusée.

Le stage de médecine générale, c’est super, c’est bien que ça soit obligatoire, on devrait tous en faire deux minimum au cours de l’internat. C’est là que je me suis vraiment rendue compte que j’aime la médecine de premier recours.

Le stage chez le prat, c’est aussi découvrir l’envers du décor, le fonctionnement libéral, la compta. C’est aussi beaucoup de discussion « off the record » avec les maitres de stage. Ces discussions n’ont pas forcément renforcé mon envie de faire de la médecine générale.

En vrac et sans commentaire:

– La médecine générale c’est comme ça, ya plein de monde qui part en retraite, il faudra qu’on voit chacun plus de patients. Si tout le monde n’y met pas du sien, on n’y arrivera pas !

– Un exercice mixte, c’est intéressant, si on peut le faire, c’est bien ! Ah tu t’intéresses à la PMI et au planning familial ? Mais franchement, ils diagnostiquent quelque chose là-bas ? Tu ne crois pas que ce qu’il trouve le médecin de PMI, quand il voit les enfants de maternelle, j’aurais été capable de le trouver, moi ? Je reste convaincu qu’il n’y pas besoin de faire 10 ans d’étude pour être médecin de PMI ou du planning, honnêtement ? Et puis niveau rémunération, ça ne vaut rien, on ne fait pas carrière là dedans !

– 25 actes par jour, c’est cool tu sais, tu ne feras pas tourner un cabinet avec ça !

– Tu as besoin d’être sortie le mardi soir à 19 heures ? Ah ben c’est comme ça la médecine générale on ne choisit pas à quelle heure on sort !

– On a une place de plus dans notre cabinet, si tu cherches à t’installer. Le nouveau collègue qui vient d’arriver, il est à 25 actes par jour, c’est en train de décoller. Bientôt il aura des vraies journées…

– (à la bientôt plus interne enceinte de cinq mois) Ah tu vas bosser 35 heures ? Ben tu pourrais venir faire un remplacement régulier d’une ou deux journées par semaine chez moi, alors ?

– Tu sais combien je fais d’actes par jour, moi ? Allez, dis un chiffre ! (petites étoiles dans les yeux) … – Heu, ben… Je ne sais pas, 45 ? 50? -Hé non ! 60 ! (sourire, rengorgement de fierté) – …

– Tu n’arriveras jamais à faire médecine générale si tu n’apprends pas à travailler plus vite. Tu vois moi, le patient, il entre, je le regarde, le plus souvent, je sais déjà ce qu’il a. J’ai une sorte de sixième sens…

– Tu n’arriveras jamais à t’en sortir en médecine générale si tu ne travailles pas plus vite. Faut être efficace, avec ton bébé qui arrive, tu auras envie de rentrer le soir, et il faut bien faire un certains nombre d’actes parce que les patients, ils sont là, ils attendent !

– Bonjour, comment vas tu ? J’ai appris pour le décès de ta maman, qu’est ce qui s’est passé ? Elle était malade ? Tu reviens quand ? Je te remets des consult’ en plus l’après midi où tu rentres, pour rattraper un petit peu les trois jours d’absence, OK ?

– Tu sais toutes les prises en charge se valent. Moi je mets beaucoup d’antibiotiques, mais j’ai moins de gens qui reviennent pour le même problème comme ça. Et puis ces histoires de résistances, c’est un truc de CHU, ça. Ils nous pondent des études pour dire qu’il faut moins d’antibiotique mais au final PERSONNE ne sait si c’est viral ou pas ce qu’on voit en médecine générale car les études sont faites par des professeurs au CHU.

– Il faut que tu te sortes de la tête toutes ces histoires qu’on t’a apprises à la fac, au CHU ! Je te parle de médecine générale, moi ! Il faut que tu questionnes un peu ce que l’on t’as appris, c’est pas parce qu’un Professeur de la faculté a dit qu’il faut pas mettre d’antibiotique que c’est vrai !

– Si tu veux pour les gens qui demandent de l’homéopathie, j’ai ce petit bouquin (Boiron). -Mais moi je suis pas convaincue par l’homéopathie, donc je leur dit aux gens, de ne pas s’adresser à moi, que je ne renouvelle pas l’ordonnance de leur homéopathe, s’ils y croient, s’ils ont l’impression que ça marche, ils vont les acheter directement en pharmacie ou ils vont voir le « spécialiste »… – Ah mais ON EST D’ACCORD que c’est un placebo, hein! Mais plutôt que de tergiverser, leur expliquer, et tout, je leur mets, ils sont contents, et ça ne fait pas d’effet secondaire, au moins, je suis tranquille ! Tu verras quand tu auras ton cabinet, tu peux pas toujours tout expliquer !

– Les streptotests ? De toutes façons est ce que ça marche bien ? J’en fais une série de temps en temps sur les angines quand j’ai une petite épidémie et c’est rarement positif… Alors que les gens si je leur mets pas d’antibiotique au bout de quelques jours ils reviennent ils ont toujours aussi mal !

– Faire revenir les gens pour réexaminer l’enfant à 48 heures, c’est clairement impossible, après ils t’accusent de vouloir faire des actes sur leur dos.

– Les bandelettes urinaires ? Nan j’en fait pas c’est une perte de temps, de toutes façons, c’est clair qu’elle a une infection, là !

– Ah ça, la « bronchite dentaire », c’est pas un truc qu’on apprend dans les livres ! Tu ne verras pas ça ailleurs que chez moi !

– Je regrette de ne pas avoir réussi à te faire comprendre ce qu’est la médecine générale.

– L’argent de la sécu, moi, c’est pas mon problème !

PS: Suite à une remarque de DrMilie sur Twitter, je précise quand même que c’est un florilège de phrases de plusieurs maitres de stage…

A propos BabydoOc

Interne en médecine générale à Miniville, se demandant où elle va, par quel chemin et dans quel état...
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16 commentaires pour Brèves de stage

  1. dalidaleau dit :

    Je te souhaite de rencontrer des Maîtres de stage qui te laisseront moins désabusé.
    Néanmoins, la sélection des citations que tu publies permet de comprendre tes prérogatives en miroir. Il semble qu’elles soient tout à fait saines 🙂
    La critique est la preuve d’une prise de position.
    Bon courage

  2. Borée dit :

    C’est consternant. Sans être surprenant.
    Heureusement, on sent que tu poses un regard critique sur tout ça. Pointer le côté sombre de la Force, ça veut dire qu’on sait aussi qu’il y a un côté clair !

  3. clicadoc dit :

    c’est effectivement une réalité !
    je modère cependant:
    – tous les MSU ne lui ressemblent pas ( enfin j’espère)
    – il y a autant de pratiques de la médecine générale que de médecins généralistes
    – tu peux exercer ton métier comme tu l’entends

    J’y vois au moins un point positif : c’est un exemple à ne pas suivre …
    restes fidèle à tes idées, à ta conscience, et tu veras que c’est ( encore ) un très beau métier !

    • BabydoOc dit :

      Oui j’avais envie de pointer ces remarques parce qu’on encense le stage prat et SASPAS sans se poser la question des « effets indésirables » de ce stage. Je ne suis pas la seule à avoir été retournée par certaines remarques entendues en stage, ou plus simplement à avoir touché du doigt les inconvénients du payement à l’acte, de l’absence d’obligation de FMC, etc.
      La pire remarque pour moi reste le « rattrapage » de mes trois jours d’absence, qui est justement tellement « libérale », alors qu’en tant que salariée, j’avais droit à des jours suite à un décès. Mais c’est tellement normal dans leur esprit qu’ils n’y ont pas pensé je crois… Pour eux j’étais « en vacances ». Le jour de l’appel j’étais entre mon discours, le traiteur et l’organisation des funérailles, je n’ai pas pensé à répondre simplement « non, j’ai droit à trois jours, c’est normal… »

  4. Docmam dit :

    Arf j’ai connu la même chose chez mon stage chez le praticien…
    du « antibio-cortisone » sur chaque ordonnance, des patients à la chaine, parfois 2 par 2, des « tu comprends sinon ils reviennent » alternés avec des « tu comprends sinon ils vont ailleurs » (va comprendre)
    J’étais enceinte également, avec les trajets et la fatigue, ça n’a pas du aidé.
    Je me souviens de mon mari qui essayait de me remonter le moral « allez y’a toujours du bon à prendre dans un stage, au moins ça t’aide à voir ce que tu ne veux pas faire ! »

    J’ai fini mon stage en 4ème semestre en me disant « bon super, je n’ai plus envie de faire ce que je croyais avoir envie de faire… je fais quoi maintenant ? »
    Et puis j’ai eu un semestre de dispo j’ai pris du recul et surtout j’ai eu l’occasion de faire un SASPAS et des remplacements chez des médecins qui m’ont montré qu’autre chose était possible : un exercice varié, un mi-temps à l’hôpital, des vacations en orthogénie, 16 à 20 patients par jour (et « bizarrement » ils s’en sortaient sans soucis financièrement hein), un jour de repos dans la semaine si ils avaient envie….

    Après
    – oui c’est vrai qu’il y a un rapport à l’argent dans la médecine libérale auquel on n’est pas du tout préparé quand on débarque en tant qu’interne, et qui est gênant et déstabilisant. On est obligé de parler d’argent avec nos patients, et on a en coin de nos têtes que ce qu’on va toucher à la fin du mois est variable en fonction de ce que l’on fait. Quand on est au clair avec tout ça ça va, mais les dérives sont faciles…
    – et oui c’est vrai que certaines études sont faites en milieu hospitalier et pas sur la population ambulatoire, c’est un biais et il faut la savoir, ça ne veut pas dire pour autant qu’il faut faire l’inverse 😉
    – et oui il y a la théorie, les livres et les recos; et la réalité du terrain, et il faut en permanence faire des compromis… ce qui ne veut pas dire ne pas tenir compte du tout des études 🙂

    Bref je te souhaite de prendre du recul, l’arrivée d’un enfant ça aide vraiment +++ à relativiser et j’espère que tu auras l’occasion de rencontrer d’autres médecins qui t’aideront à prendre du plaisir dans ton travail, si tu peux avec un bon SASPAS, sinon en trouvant des bons remplacements…

    J’ai fini mon internat ou presque avec dans la tête « pffff bon ben je vais faire ça parce que je vois ce que je pourrais faire d’autre… » et maintenant je suis vraiment à l’aise avec tout ça, et je prend du plaisir à faire mon boulot, et j’ai l’impression de le faire bien !
    Je te souhaite la même chose, repose toi et laisse toi le temps de trouver ce qui te convient… et ça nécessite quelques années d’expériences diverses et des désillusions « passage obligé » mais pas définitif !
    Bises

    • BabydoOc dit :

      Merci pour cette longue réponse.
      Petites précisions:
      1/ Les citations sont extraites de mon stage prat et surtout de mon SASPAS, compilées de plusieurs médecins puisque j’avais plusieurs MSU à chaque fois.
      2/ Par rapport à prendre du plaisir dans son travail, je rappelle que je viens d’une autre spé, où je me plaisais aussi, donc il y a plein de boulots où je pense pouvoir me plaire…
      3/ J’ai fini!!!!!!! Je ne suis plus interne depuis 6 semaines, je ne fais pas de médecine générale au sens où l’entendent les médecins libéraux, la plupart des internes de MG et d’ailleurs la plupart des gens. En fait je ne vois pas de patients.

      Je suis plus reposée, j’ai plaisir à me lever le matin, je réclame le décalage de mon congé prénatal pour rester plus longtemps, je cuisine à nouveau, je sens mon bébé bouger plus souvent. J’ai sans doute pas retrouvé un moral « normal » mais j’arrive à voir les choses positives qui m’arrivent.
      Pour être consensuelle avec les gens suscités, je dis qu’avec deux décès proches cette année, je n’ai pas la tête à écouter les gens (clairement si vous avez 65 ans et besoin de parler de votre douleur d’avoir perdue votre mère de … 90 ans, je ne suis pas la bonne personne, je n’aurai jamais de mère de cet âge-là, c’est encore trop frais pour en dire autre chose que « c’est pas juste »). Mais en fait la question c’est « ai-je envie/besoin d’être la personne là pour écouter ces gens? » Si j’étais en premier recours, j’aurais forcément un recrutement très « psy », en ai-je envie?

      Je profite de la formation généraliste du DES de médecine générale, c’est une des choses qui m’ont fait changer pour cette spé. J’en suis contente. C’est peut être passager, peut être pas. Je profite de ce qui me plait aujourd’hui.

      La suite au prochain épisode…

  5. Okita dit :

    Eh ben,ils étaient gratinés dis-donc tes maitres de stage!!Comme docmam, je te conseille de prendre du recul pendant ton congé mat et tu verras,quand tu remplaceras,tu feras comme tu veux!Moi non plus je mets pas souvent d’antibiotiques,les gens ne sont pas contents mais au moins,je suis au clair avec ma conscience ;-)!Par contre,il m’arrive de prescrire de l’homéopathie,vaut mieux ça pour un rhume effectivement que des vasoconstricteurs non? (et puis c’est pas bien cher…)

  6. fabmanas dit :

    Affligeant… ce que je ne comprends pas c’est pourquoi ils sont MSU. Après tu as un regard critique et ça c’est bien. T’inquiètes une autre médecine est possible, même si parfois un peu plus difficile. Après je crois que plus sera nombreux à s’attacher à une médecine de qualité plus se sera facile. Si tout le monde dit angine= strepta test, bronchite = viral, etc…ça rentrera dans les moeurs et les patients ne s’en porteront que mieux.
    Ces médecins « à la papa » ne réalisent pas bien que cette ère de la médecine est révolu, dommage

  7. christophe PIGACHE dit :

    je suis maitre de stage et quand je lit ça je hurle ,c’est pas possible mais virez moi rapidement tous ses pseudo maitre de stage, qui n’ont rien compris car il ont malheureusement pas été formés,ou reformés par les départements de MG(a l’époque il n’y avait aucun stage chez le prat ,tient je suis surpris de ne pas lire dans les florilèges une critique sur Prescrire ,mais peut être qu’ils ne connaissent pas
    en tout cas prend soin de toi,
    signé un médecin heureux qui ne travail pas le jeudi (c’est réservé a mon couple )et qui lorsqu’il voit plus de 30 patients dans la journée dit stop , et n’allez oublier je suis riche (d’amis ,de temps ,de loisir et aussi un peu d’argent)

  8. Vincent dit :

    Quel dommage effectivement que nous ayons des MSU comme ceux là. Je suis actuellement dans un stage prat extrêmement décevant, tout à fait dans la lignée de ce que tu as très bien décrit, qui donne envie de courir très loin. Le double tranchant est très parlant. Je comprends la bonne intention de vouloir nous « convaincre » en nous envoyant sur le terrain, mais c’est sans compter tous ces MSU qui nous dégoûtent. Malheureusement, pour tous nous envoyer en stage, il faut bien que la fac prenne les volontaires, qui ne courent pas forcément les rues (pas envie qu’on vienne mettre le nez dans leurs vieilles habitudes ?).

    La filière universitaire permettra de redresser un peu cette situation. Chez nous les MSU sont quasi obligés de faire un DU de pédagogie, c’est toujours ça de pris, même si ça ne préjuge en rien de l’actualisation de leurs compétences cliniques, ni d’une organisation en adéquation avec l’aspiration de la nouvelle génération de médecins que nous sommes.

  9. Ju dit :

    J’en rajoute une couche, mais c’est gros…
    On s’organise comme on veut et bien sur il y a l’aspect financier, avec 25 patients par jour je suis tranquille, je suis aussi MSU dans le 92, j’ai trois enfants jeunes, une maison, des crédits ect…..
    Tout ces praticiens désabusés me font de la peine, il n’ont aucun respect, aucun intérêt pour leur métier, il ne voient que le coté « épicier » c’est lamentable. Ils sont pris dans une spirale. La medecine génerale est bien plus que ca et peut etre une source d’enrichissement tout au long de ta vie pourvu que tu ne passe pas du coté « obscur ». Ma recette : avoir une vie riche (loisirs, famille, ect…) à coté et faire des formations dès que l’on peut, et le tour est joué !

    Ne lâche rien !!!!

  10. Enfant unique saoulé dit :

    Assez effrayantes ces brèves, on comprend pourquoi les jeunes médecins ne s’y retrouvent plus et pourquoi il est nécessaire pour tout le monde de revoir la pratique de la MG. Intéressant témoignage.

  11. mounblue dit :

    je reponds assez tard mais je découvre ton blog que je ne trouve pas du tout « moyen », mais vraiment intéressant sur beaucoup de points et tu sembles avoir énormément de qualités indispensables pour être un bon generaliste. J’espère que tu reviendras bientôt donner de bonnes nouvelles, on a parfois besoin de voir ce qu’il ne faut surtout pas reproduire une fois installé! Bon courage à toi;)

  12. mounblue dit :

    petite erreur, mon commentaire c’etait pour le billet suivant ^^

  13. Nacaa dit :

    Bonjour,
    Je découvre ton blog et tes derniers billets désillusionnés…et c’est tout à fait ce qui m’arrive (moins le bébé). Je suis interne de méd gé en début de 5ème semestre sortant d’un stage désastreux en libéral. Toutes tes citations ont été dites par mon MSU (de l’antibio aux 5j « à rattraper » alors que j’ai eu l’appendicite, à mon incapacité à faire tourner un cabinet car trop lente…) Résultat = BURN OUT, arrêt de travail depuis 3 semaines, et je vais bien galérer pour me sortir de là et retrouver un quelconque goût pour la médecine générale !!

    En tout cas, merci beaucoup pour ces textes, je me sens moins seule…
    NB

    • BabydoOc dit :

      Bonjour, je passe par là avec une idée d’écrire, et je tombe sur ton message, resté dans l’oubli!
      J’espère que tu as retrouvé goût à la médecine, ou a autre chose, après tout 🙂
      La médecine générale permet de faire plein de choses différentes, et c’est ça qui est bien.
      Bon courage.

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